Le cordonnier et le général Thomières

Dans cette nouvelle publication, René Vidal vous propose de rencontrer (de façon romancée) le général Thomières à travers les réflexions de Marc Sauzet, cordonnier au village (lui aussi ayant existé).


Pour profiter du dernier soleil de novembre Marc est sorti s’installer devant son échoppe. Il crache sur le cuir d’une paire de bottes, les frotte vigoureusement. Rien de tel pour les faire briller. Ce ne sont pas des bottes ordinaires, ce sont celles du général Jean Guillaume Barthélémy Thomières.

L’air est doux, satisfait du travail terminé il se détend doucement, ses paupières, lentement, se ferment… il lui semble entendre…

– Si tu savais les heures de gloire qu’avec Jean Guillaume nous avons connues!

Engagé volontaire en 1793, élu capitaine par ses soldats dans l’armée des Pyrénées Orientales, il est ensuite parti faire les campagnes d’Italie contre les autrichiens. Adjoint au Général Lanusse, aide de camp du général Victor.

Campagnes victorieuses à Dégo, Mondovi, Lodi, Basssano, pont d’Arcole, Montebello et Marengo.

Pour tout cela, en juin 1804, il est promu chevalier de la légion d’honneur.

Nommé au quartier général de la grande armée il va gravir les échelons. Aide de camp du maréchal Lannes, adjudant-commandant, général de brigade. Décoré du grade d’officier de la légion d’honneur en 1807.

Hélas, les guerres du Portugal et d’Espagne ne seront pas aussi glorieuses: en 1808, il connaîtra blessure et défaite lors de la bataille de Vimeiro au Portugal1.

Reconnaissant tout son courage au service de l’empire, Napoléon lui décernera le titre de baron d’empire2.

Armoirie du Baron Thomières3:

Coupé; le premier parti, à dextre d’azur au chevron d’argent, accompagné de trois étoiles du même, à sénestre de gueules au signe des barons tirés de l’armée; le deuxième d’or, au pal de sinople, chargé d’une épée haute du champ et accompagné de deux grenades éclatant de sable, enflammées de gueules – Livrées: les couleurs de l’écu; le verd en bordure seulement.

– Marc… Marc…. tu vas te faire voler les bottes…

– Ne parle pas de malheur! … si tu savais …les bottes du général Thomières.

Le fils de Guillaume? Avant la révolution son père Guillaume se faisait appeler Thomières d’Orpellières4, il se prenait pour ce qu’il n’était pas. C’était un gros bourgeois qui a fait un bon mariage à Cazouls5!

– A Cazouls? Peut être que mon père les a vus. Ma famille est de là et j’y suis né!

– Vous êtes peut être cousins! … Non je te taquine. Un cordonnier ne peut pas être cousin d’un général baron d’empire.

Jean Guillaume a rechaussé ses bottes. En 1810 il est reparti faire la guerre sous différents commandements. L’année 1812 lui sera fatale. Sous les ordres du maréchal Marmont, à la tête de la 7ème division de l’armée du Portugal, lors de la défaite de la bataille des Arapiles (Espagne) contre le lieutenant général Wellington, il est mortellement touché ainsi que deux autres généraux.

Et pourtant, si Marc Sauzet “le pégot” (le cordonnier) savait!

Vers 1584 alors que régnait le roi Henry III, François Creston notaire royal de Cazouls-lès-Béziers épousait Béatrice Chavardez. De leurs dix enfants deux nous intéressent: Catherine et François.

  • De Catherine, à la 6ème génération est né à Cazouls le 21 juillet 1779, Marc Sauzet, notre pégot.
  • De François, à la 6ème génération est né à Sérignan le 18 août 1771 Jean Guillaume Thomières.

Marc, le roi n’était pas ton cousin, mais le général oui!


Notes

  1. Bataille livrée à environ 10 000 contre environ 21 000 anglo-portugais. Défaite et capitulation ayant comme conséquence la Convention de Cintra: l’armée française est rapatriée par la marine anglaise.
  2. Le titre de Baron est une hiérarchie de la Noblesse d’Empire.
  3. Image sous licence Creative Commons Attribution: Partage dans les Mêmes Conditions 3.0. Source https://fr.wikipedia.org/wiki/Jean_Guillaume_Barth%C3%A9lemy_Thomi%C3%A8res
  4. Aux orpellières il possédait un peu moins de 10 ha de terres.
  5. Guillaume Thomières d’Orpellières a été 1er consul de Sérignan de 1770 à 1772.

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