Rendons hommage à ces femmes qui, par leur travail, ont animé le village, travaillé la terre et donné la vie sous toutes ses formes. Ces portraits de travailleuses illustrent les métiers les plus représentatifs de la vie du village dans une époque en mutation économique et industrielle après la première guerre mondiale, jusqu’au début des années 1960.
Les vigneronnes
La photo, datant du début de l’été 1932, montre l’engagement total des femmes dans les travaux de la vigne. Elles n’allaient pas aider leur mari dans leurs propriétés; elles étaient ouvrières agricoles à part entière, embauchées à la tâche dans de grands domaines, par exemple “au château”, chez Viennet. D’autres allaient jusqu’à la Yole, à 4 km du village.
Elles partaient souriantes, la machine à soufrer harnachée sur le dos et le panier contenant le repas de midi (la saquette) à la main. Elles se levaient tôt le matin car le soufre doit s’étaler sans vent. Tellement tôt, que la mémoire collective raconte qu’un matin, en traversant la promenade, le bal n’étant pas encore achevé, deux d’entre elles attirées par les derniers flonfons, se mirent à faire une petite danse avant de continuer la route.
Les journées étaient rudes à cette époque et après 8 heures de labeur, c’est-à-dire qu’après avoir “avalé” plusieurs kilomètres à pied entre les rangées de souches tout en manœuvrant le bras de la lourde machine, elles rentraient au bercail.
Alors commençait un autre travail. Il fallait s’occuper des enfants et du ménage. Souvent, au sein des familles, 3 générations vivaient sous le même toit; c’était la grand-mère qui faisait bouillir la marmite dans la cheminée.
En ce temps-là les payes étaient minimes. L’hiver venu, au moment de la taille, les femmes ramassaient les bûches. Pas seulement pour les besoins de leur foyer, mais aussi pour fournir le bois au boulanger pour chauffer son four. C’était la monnaie d’échange pour avoir le pain.
De gauche à droite, sur la photos ci-dessus, ces femmes sont:
- Germaine Cianni (mère de Laure Grauby, grand-mère de Claudette Martinez)
- non identifiée
- Rose Salomon (mère de Lucette Occhuizzi)
- Louise Vidal (mère de Maximin)
- à moitié masquée, non identifiée
- Marie-Louise Grauby (soeur de Baptiste)
- Laure Grauby (mère de Claudette)
- Alice Grauby (autre soeur de Baptiste)
- Jeanne Rouzaud, née Pourcel
- Louise Boucher
- Non identifiée
Marie-Louise, l’épicière
Pendant 20 ans, jusqu’en 1968, Marie-Louise a tenu son épicerie à l’angle des rues Danton et du Général Crouzat. Sur cette magnifique photo prise en 1949, on reconnaît de droite à gauche:
- Marie-Louise Bertrand, rayonnante
- son fils Roland
- Jeannette Crebassac
- Mireille Bertrand, la fille
- et Marcelle Mailhe (la soeur de Marie-Louise).
Cette année-là, le village comptait une dizaine d’épiceries. Mais celle-ci avait sa particularité: elle était assurément la plus petite… 9 m2!
Remarquons que Jean-Claude Salamero, le gendre de Marie Louise, débuta là, en 1960. En mai 1968, il ouvrait le supermarché de la promenade et en juin 1985 Hyper U (depuis passé sous enseigne Carrefour). En 2000, lorsqu’il prit sa retraite, le magasin mesurait 3 500 m2!
La sage femme, Melle Irma Boutes
Fin des années trente, Irma Boutes avec sa nièce Albertine Reynes, sur la pierre de la maison Trebillac, rue Lamartine.
Elle est arrivée à Sérignan vers 1895, après avoir fait équipe à Paris avec sa sœur. Elle était la 13e enfant de sa famille. Les moyens des sérignanais étaient limités, les couvertures sociales aussi. Melle Irma était souvent payée en nature par les plus modestes.
Si vous avez un ancêtre nés sur Sérignan ou Valras au début du siècle dernier, alors c’est probablement Irma qui a assisté sa naissance.
On raconte même qu’elle accoucha gratuitement une femme gitane qui campait sous le pont. Elle exerça cette noble profession jusqu’à l’âge… de 80 ans!
Elle décéda en 1942. Madame Blanc avait alors pris le relais.
La jardinière du marché, Christine Vattino
Native de Cetraro en Calabre, Christine Vattino, mère de Femande Audoux et grand-mère de Marcelle Noguès, débarque à Sérignan à l’âge de 20 ans, un peu avant la guerre de 14. Elle épouse Michel Vattino, dit “le Mampot”. Celui-ci, manchot depuis l’âge de 6 ans suite à un accident de noria, était connu pour sa grande dextérité malgré son infirmité: il parvenait à rouler ses cigarettes entre la main droite et son moignon au-dessus du coude.
Famille sans histoire, ils cultivaient leur jardin mais c’est elle qui vendait leurs produits sur le marché de la place de la mairie entourée de commerces de toutes sortes. La photo datant de 1952, a été prise devant chez “Annassou”, la mercière (Anna Toreilles). Christine était connue pour sa convivialité et sa gentillesse.
