La chapelle des pénitents bleus

En été, lors des visites guidées, conduisant les groupes par les rues de Sérignan, après être passés par la rue Barbès, avoir monté quelques marches, emprunté la rue des remparts, nous tournons sur notre gauche, passons sous le porche et arrivons dans la rue Michelet. Sans le savoir les visiteurs sont à côté d’une ancienne chapelle: la chapelle des Pénitents Bleus.

Seuls indices : sur la façade un oculus et dans la ruelle 2 fenêtres…

L’ancienne chapelle vue de l’extérieur

Beaucoup pensent que les Pénitents bleus sont des moines ou des prêtres. Pas du tout, ils sont laïcs. Je vous en donne la définition copiée dans le dictionnaire de la France médiévale de Jean Favier professeur d’histoire à la Sorbonne) :

Un pénitent est un fidèle catholique qui fait partie d’une confrérie dont les buts sont habituellement la prière, l’édification chrétienne par des manifestations de piété publique (processions) et l’action caritative. Ainsi ce sont des hommes et des femmes qui, au nom de leur foi, s’assemblent dans des fraternités de prière qui les envoient au service des plus démunis.

Un pénitent porte un habit qui s’appelle le «sac», symbole d’égalité, de prière et de service. Chaque confrérie a sa propre histoire, son propre charisme, son propre idéal. Elle se différencie des autres par la couleur de son habit et par ses statuts (règlement). Il existe encore aujourd’hui des Confréries de Pénitents bleus, blancs, rouges, gris et noirs.

Je ne sais pas depuis quand cette confrérie existe à Sérignan, mais leur chapelle existait déjà en 1670 puisque les consuls décident de réparer le puits qui est proche de la chapelle de “messieurs les penitans”.

Le compoix décrit ainsi :

Une chapelle dédiée à St Jérome apart(enant) à mes(sieurs) les penitens bleus confronte de terral rue publique midi une ruelle, marin sieur guill(aume) Roque, grec Mr A(ntoine) henric avocat et guill(aume) cabrillac pour sa femme endrone entre eux contient trente neuf cannes trois pans fait

Dans ce texte :

  • Les mots “terral”, “midi”, “marin” et “grec” définissent des orientations :
    • terral = vers les terres (vers l’actuelle rue Barbès)
    • midi = vers le sud, (vers l’actuel boulevard Voltaire)
    • marin = vers la mer (vers l’actuelle rue du Général Henric)
    • grec = vers l’Orb (vers l’actuelle rue Gambetta)
  • Une endrone (ou parfois androune, en occitan androna) est une toute petite ruelle, souvent une impasse.

Aurait du être mentionnée dans ce texte la valeur de l’édifice, servant de base au calcul de la taille. Cela semble indiquer que les propriétaires en étaient exemptés

Cela correspond à l’emplacement en rouge sur le plan actuel :

Emplacement de la chapelle des pénitents bleus.

Les sérignanais estimaient beaucoup cette confrérie qui rendait de nombreux services à la communauté. Pour preuve la délibération suivante du conseil général (assemblée des sérignanais réunis à la demande des consuls pour délibérer et décider des projets concernant la vie de la communauté) :

1724 le premier jour du mois de juin

La communauté a promis de faire un présent à la chapelle de messieurs les pénitents bleus du présent lieu et ce en considération de ce que messieurs les pénitents dudit lieu ont toujours eu comme ils ont encore le soin de faire dire messe tous les jours de fête et dimanche dans leur chapelle laquelle messe est tout à fait utile et nécessaire aux habitants surtout aux malades soit en hiver que (…) à cause que la paroisse se trouve hors du lieu de sorte que messieurs les pénitents sont dans le dessein de faire acheter une bannière pour orner leur chapelle et les processions qu’ils font pendant l’année De quoi (ils ont donné avoir) audit sieur Brousse et l’ont prié de vouloir supplier le communauté de lui aider à faire ledit achat et pour cet effet de lui donner ce qu’elle trouvera à propos promettant de faire continuer le service divin…
Sur quoi les voix recueillies a été délibéré et arrêté que la communauté donne et fait présent à la chapelle de messieurs les pénitents bleus la somme de cent cinquante livres pour être employée à l’achat d’une bannière et ne pourra ladite somme être employée à autre chose… laquelle somme sera prise sur la somme de deux cent livres imposées… en faveur des portes et seront ces portes dudit lieu gardées par les habitants chacun à tour de rôle…

Il semblerait toutefois que la messe du dimanche dans cette chapelle ne soit qu’exceptionnelle car le 12 mars 1730 les habitants demandent aux consuls de faire établir à perpétuité une messe basse les dimanches et jours de fête et que 50 livres seront annuellement payées payées au prêtre chargé de ces messes. Quelle suite a été donnée à cette demande? Je ne sais pas.

Rien de nouveau dans la vie des pénitents bleus jusqu’à la Révolution.

La loi du 6 avril 1792 supprima les confréries.La conséquence immédiate à Sérignan fut que la chapelle des pénitents bleus pouvait être mise en vente comme le rapporte le citoyen Amat maire de Sérignan.

Le 17 février 1793

Le citoyen maire a dit les confréries ont été abolies par le décret du 18 août dernier.Celle des cy-devant pénitens bleus de sérignan laisse une chapelle dont la nation s’est emparée.Je n’étais point resté tranquille depuis ce décret.J’avais déjà vu le citoyen évêque du département… lorsque j’ai vu une affiche portant qu’il sera procédé d’autorité du strict à la vente de la dite chapelle. Dés lors j’ai assemblé le Conseil général pour lui faire part du vœu de la commune.Vous le savez citoyens la situation champestre de l’église paroissiale en rend la visite pénible… je propose au Conseil de prendre les moyens de conserver à la commune ladite chapelle.

Le conseil décide de demander au citoyen maire de prendre avis de l’évêque pour que la chapelle devienne église paroissiale puis demander l’assentiment du directoire du district et enfin au département pour qu’il suspende la vente.

L’an 1793 le 24 mars
Le citoyen maire a dit que les confréries étant supprimées et leurs biens mis au pouvoir de la nation la chapelle des ci devant pénitents bleus de la commune étaient à vendre que la communauté reconnaissant la nécessité de sa conservation les citoyens la demanda au département pas délibération du 17 février dernier sur cette demande il a été pris un arrêté le 16 mars courant par le directoire qui porte qu’il sera sursis pendant 2 mois à la vente de ladite église pendant lequel délai le maire et officiers municipaux se pourvoiront conformément à la loi…. Dans le cas où les communes croiraient avoir besoin de quelque maison ou bâtiment… faire l’estimation du produit qu’ils peuvent donner… faire devis des dépenses nécessaires…

Le conseil général décide alors d’entreprendre les démarches nécessaires pour la conserver. Elle le sera mais pas en tant qu’église. L’autel sera détruit en même temps que celui de l’église paroissiale et les pierres vendues. Ce local sera rebaptisé temple de la raison et utilisé pour glorifier la République.

Le 24 frimaire an II ( 22 novembre 1793 ) de la république française une et indivisible

Le conseil considérant que le peuple doit s’élever à toute la hauteur de la révolution… arrête que le 30 frimaire jour de la 3ème décade la commune célèbre la fête de la raison. Cette fête sera annoncée la veille par une salve d’artillerie faite sur la place devant l’arbre de la liberté à8 heures du soir, que la garde nationale et les prud’hommes se rendront le lendemain à 9 heures du matin à la municipalité, qu’à 10 heures sonnantes le cortège se rendra à la ci-devant chapelle des pénitents bleus où on chantera les hymnes consacrés à la raison et on clôturera la cérémonie par un discours par l’un des membres de la municipalité, que le soir 6 heures tous les citoyens illumineront la façade de leurs maisons pour manifester la part qu’ils ont prise à cette fête et qu’à 7 heures le même cortège du matin bordant la haie autour d’un feu de joie qui sera allumé u brûlera tous les titres de féodalité et de noblesse tout ce qui pourrait rappeler des distinctions et des pouvoirs qui n’ont que trop existé et enfin tous les brevets et lettres d’avocats. La fête sera terminée par une décharge d’artillerie.

Le procureur de la commune requiert que pour rendre cette fête plus sensible il soit élevé dans le temple consacré à la cérémonie une statue de la liberté portée sur une estrade ou sur un autel et que sur le frontispice du temple il soit placé une inscription avec ces mots temple de la raison et du culte de la morale de la nature.

Tous les décadis (chaque mois républicain était découpé en 3 décades de 10 jours. Le décadi était le dixième et dernier jour de la décade. Il était chômé et correspondait au dimanche) les sérignanais devront se rendre au temple de la raison pour y faire lecture des lois et des faits héroïques.

Comme toujours, il y a ceux qui trouvent que ce serait mieux autrement.

Le sept floréal an II ( 26 avril 1794)
La société populaire en envoyé au maire une députation demandant que le temple de la raison qui se trouvait dans chapelle des pénitents bleus soit transféré dans l’église paroissiale et que la chapelle des pénitents bleus soit occupée par la société sous le nom de temple de l’égalité.

Cette demande fut à l’origine d’un mouvement populaire contre les motionnaires. Il fallut faire appel à la garde pour faire évacuer l’attroupement.

Les cérémonies vont continuer dans ce temple de la raison :

9 pluviose an III ( 7 février 1795 ) doit être célébré le l’anniversaire de la Juste Punition du dernier roi des français. Il sera célébré dans le lieu des exercices décadaires ( le temple de la raison).

L’absence des registres de délibérations municipales entre le 12 novembre 1795 et le 7 août 1800 n’a pas permis de continuer l’histoire de la chapelle des pénitents bleus.

Selon Maurice et Albert Fabre, dans leur livre sur la commune de Sérignan (couverture rouge de 1883-1884), elle aurait été vendue à un nommé Castillon pour 27 000 livres.

Les registres de l’enregistrement de Béziers, (table des acquéreurs, an V – an VIIle) a été enregistré le 4 prairial an V (23 mai 1797) l’achat pour 2 700 livres d’un bien à Sérignan par un nommé Castilhon Pierre sans aucune autre précision.

Elle est maintenant occupée par des logements.

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