De nombreux villages et hameaux héraultais possèdent encore un four banal. A Sérignan, il n’existe plus, ni matériellement, ni dans les mémoires… et pourtant!
En 1539 Guillaume de GRAVE déclare au Sénéchal de Béziers posséder à Sérignan :
Item une moitié du four banier auquel tous les paysans du dit lieu de Sérignan sont tenus venir cuire leur pain et je suis tenu de leur tenir bois pour moitié du temps et prends aussy la moitié de tous les droits qu’est de vingt pains un
Il n’a qu’une moitié du four. La deuxième moitié était la propriété de l’autre co-seigneur jusqu’à ce que la famille de LORT réunisse l’entière seigneurie.
En 1683 Henry de LORT, seigneur de Sérignan, dans son dénombrement déclare:
Je possède noblement un four banal pour faire cuire le pain des habitants qui ne peuvent aller ailleurs pour cuire et j’ai droit de défendre à toute personne d’en construire aucun dans le lieu et terroir de Sérignan sans mon approbation et prends pour la cuisande de vingt pains un
Les sérignanais ne pouvaient donc pas aller ailleurs mais, aller faire cuire son pain à Vendres, Sauvian, Villeneuve ou Portiragnes où il aurait bien fallu payer la cuisson aurait-il été économique?
Ils n’ont pas le droit d’en construire un. Cependant, la construction d’un étant chose onéreuse, qui dans le “menu peuple” aurait pu le faire sinon le seigneur? Peut être la communauté mais ce n’était pas le cas.
Pour la cuisande1 le seigneur prenait un pain tous les vingt mais c’est lui qui devait salarier les fourniers ou fourgonniers, fournir le bois pour chauffer le four (le plus souvent des fagots de broussaille). Les fourniers devaient également prévenir du jour où on pouvait venir faire cuire.
Tous les sérignanais faisaient ils cuire leur pain ? Dans le compoix on relève que le seigneur possédait dans les biens nobles:
Une maison servant de boulangerie […]
Il y avait donc possibilité pour ceux qui ne faisaient pas cuire leur pain, certainement parce qu’ils ne possédaient pas de champ de blé ou autres raisons, d’acheter du pain tout cuit. C’est le seigneur qui en tirait bénéfice.
Une délibération consulaire de 1769 nous apprends une pratique alors assez récente: des sérignaises se chargeaient de récupérer chez les particuliers la pâte à cuire, de l’amener au four et ramener le pain une fois cuit. En contrepartie elles prélevaient à leur bénéfice un peu de pâte.
Pour entreposer le bois à proximité, le seigneur possèdait noblement
Une maison servant de bucher[…] où étoient les prisons confronte de terral le four banal […]
Le fonctionnement du four et la vente du pain étaient donnés à une ferme et il arrivait quelquefois des différents entre la communauté et le fermier du four.
Quelques anecdotes
En 1709
Les consuls se plaignent que le nommé Rascas, boulanger du four banal, applique le même prix qu’à Béziers. Mais les boulangers de cette ville payaient une taxe de 10 sols par quintal de farine que Rascas ne payait pas à Sérignan et qu’il était anormal que ce soit à son bénéfice et non à celui des sérignanais.
En 1735
Les consuls de Sérignan se présentent chez Pierre LABRIAGUE, juge aux ordinaires de Sérignan. Ils lui ont dit que le pain qu’on débite à la boulangerie de Baptiste SALLES n’est ni d’époix ni de la qualité requise, ni cuit. Que le pain qu’il débite pour blanc est de pain “rousset”, qu’en un mot le boulanger “malverse dans sa fonction et les dits sieurs consuls l’ont requis de vouloir se transporter a ladite boulangerie pour procéder à la vérification du pain”.
Le juge se déplace avec les consuls et 3 témoins, et Jean CANTAN substitut du procureur juridictionnel dans la boutique de Baptiste SALLES, maitre boulanger “où estoient la femme dudit SALLES leur remet deux pains qu’elle dit être de pain blanc au prix de trois sols chacun et un pain blanc de dix huit deniers qu’ils ont plié dans du papier blanc et cacheté à la cire rouge puis déposés au greffe de la juridiction de Sérignan à l’effet de vérification par un expert”.
En 1762
Les consuls signalent que le four est en mauvais état et demandent sa réparation.
Où se trouvait ce four?
Actuellement, dans les noms des rues et places de la ville, rien ne l’indique. Il faut donc aller chercher dans la plans anciens et commencer par la plan du cadastre napoléonien de 1840. Nous y trouvons la “Rue du plan du four” :
D’après les indications fournies par le compoix il est possible de situer le four et le bûcher dans la zone du cercle rouge :
Dans un plan actuel la “Rue du plan du four” est remplacée par la “rue Paul Riquet”.
- La cuisande est le droit de cuisson des pains dans le four banal ↩︎
Bonjour à tous,
Super boulot les amis de mon côté, j’ai longtemps recherché le Four Banal à Portiragnes mais nous n’avons retrouvé! Une rue du nom du Four Banal existe et encore d’après les Anciens ce n’est pas dans cette rue que ce trouvait le four !
Francis