Les écoles de Sérignan – Les Régentes et Régents

Charlemagne visite l’école du Palais. Charlemagne aimait beaucoup s’instruire: il avait appris le latin et décidé qu’il y aurait des écoles auprès de chaque église ou de chaque monastère.

Je ne pense pas que Charlemagne ait eu le temps de venir vérifier s’il avait été obéi à Sérignan. Mais avait-il imaginé tous les soucis qui allaient se poser aux communautés ?

En se plongeant dans les archives de Sérignan datant du XVIIème et XVIIIème siècle, on s’aperçoit en effet que maintenir une école, et surtout ses enseignants (nommés régentes et régents) n’était pas simple.



Les régentes et régents à Sérignan

C’était au XVIIème siècle, Louis XIV était roi de France et Guillaume Castagnier d’Auriac venait d’acheter la seigneurie de Sérignan. De sa plus belle écriture le greffier consulaire retranscrivait la délibération suivante :

A.D 34 / délibérations consulaires de Sérignan 299 EDT 78 années 1670 – 1673 photos 20 -21

Lan mil six cent septante et le dix huit jour du moys daout dans serignan maison consulaire […]

A.D 34 / délibérations consulaires de Sérignan 299 EDT 78 années 1670 – 1673 photos 20 -21

Après remise en ordre de la phrase entre les deux signes

[…] davantaige a été proprosé que pour le regent des escoles dudit serignan il cest presente un homme quond le tien fort cappable pour regenté lequel demande un salaire a la communauté pour pouvoir subsister […] sur quoy requys ont aussi les habitans et ont délibéré s’ils trouvent à propos de le retenir[…]

Suite à cette communication des consuls, le conseil général de la ville (24 sérignanais élus chaque année et qui se réunissaient à la demande des consuls pour décider des affaires de la ville), à cause de la pauvreté de plusieurs familles qui n’ont pas les moyens (d’ envoyer leurs enfants à l’école), va accepter de donner des gages au régent pour sa subsistance.

Ils n’ en précisent ni le montant, ni si c’était en complément à ce que payaient les parents qui en avaient les moyens.

Il faudra attendre une cinquantaine d’ années avant que, dans les délibérations, ne soient mentionnés les gages du régent des écoles mais aussi de la régente (il existait donc une école de filles).

En 1698 Louis XIV avait ordonné:

Voulons que l’on établisse autant qu’il sera possible des maîtres et des maîtresses dans toutes les paroisses où il n’y en a point, pour instruire tous les enfants du catechisme et des prières qui sont necesssaires et nommement […] comme aussi pour apprendre à lire et même écrire à ceux qui pourraient en avoir besoin et que dans tous les lieux où il n’y aura point d’autres fonds, il sera imposé sur tous les habitants la somme qui manquera pour leur subsistance jusqu’à celle de 150 livres par an pour les maîtres et 100 livres pour les maîtresses […] enjoignons à tous les pères et mères, tuteurs et autres personnes qui sont chargés de l’éducation des enfants de les envoyer aux dites écoles et au catéchisme jusqu’à l’âge de 14 ans en notament les fils des anciens protestants […]

Dans une délibération de 1702 sont inscrites les dépenses de la communauté. Y sont inscrits entre autres (pour donner une idée des gages) :

  • pour le régent des écoles………………………………………….162 livres (soit 150 livres pour gages 12 livres pour son logement)
  • pour la régente des écoles y compris son logement………112 livres

Les sérignanais sont plus larges que le roi puisqu’ils ajoutent 12 livres à chacun, semble-t-il pour le logement. Cela suffisait-il pour vivre? A titre indicatif, en 1702 à Sérignan :

  • le gage du greffier consulaire…………………………………………….18 livres
  • pour faire aller l’horloge …………………………………………………..18 livres
  • pour l’escarboulher (le sonneur de cloches)…………………………20 livres
  • la livre (0,414 kg) de mouton …………………………………………….. 0 livre 3 sols
  • la livre de boeuf ……………………………………………………………….0 livre 2 sols

(ne pas confondre la livre poids et la livre monnaie qui vaut 20 sols )

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Quelques anecdotes

Nomination

Que se passe-t-il en 1720 concernant la régente des filles ?

Marie Brouchet, régente à Sauvian, a semble-t-il été nommée à Sérignan à la place de la sœur d’Aspes. Or les sérignanais et même le curé sont contents de cette dernière. Le conseil général décide d’envoyer une députation à Monseigneur l’évêque pour la garder.

A la suite de cette délibération, il consignent ce qui est peut être la première pétition sérignanaise. Chacun y écrit (comme il le peut) qu’il approuve la régente qui est en place (les vieilles familles sérignanaise y trouveront peut être l’écriture et la signature d’un de leurs ancêtres).

A.D 34 / délibérations consulaires de Sérignan 299 EDT 81 années 1721 – 1726 photo 123 et 124

Signatures BROUCHET- LABATUT- SALES- FABRE- DEJEAN- IZARD- PROUVAT- LACROIX- CROUZAT- LAMOUROUX

A.D 34 / délibérations consulaires de Sérignan 299 EDT 81 années 1721 – 1726 photo 123 et 124

Signatures GACHES- MURET- JAUME- BEDOS

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Absentéisme

Une délibération du 7 novembre 1726 justifie la députation de 1720 auprès de l’évêque : c’est lui qui nommait les régents des écoles de son diocèse.

Le régent Baptiste Lidon étant malade, l’évêque le remplace par un régent qui a semble-t-il quitté son poste! Comme Lidon est guéri la communauté demande qu’il revienne.

A.D 34 / délibérations consulaires de Sérignan 299 EDT 81 années 1721 – 1726 photos 124 et 125

Le sieur Baptiste lidon cy devant regent des escolles du present lieu […] a cause de maladie ayant esté obligé de qui'(ter) Monseigneur levesque de Bzeiers aurait envoyé […] qui nse trouve absent depuis environ […] mois […] comme le sieur Lidon est en estat de rentrer aux dites escolles et que la communauté a esté edifiée de ses bonnes vie et moeurs et instruction qu’il a cy devant données aux enfants requiert lassemblée de vouloier déliberer

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Un demande d’avantage

En 1735 la demoiselle Derey régente des écoles demande de bénéficier comme le régent du droit d’exemption du dixième sur ses gages.

Le dixième était un impôt sur certains revenus créé par Louis XIV en 1710 payable part tous. Certains nobles et le clergé s’en étaient déchargés en payant annuellement un abonnement.

[…] la demoiselle derey regente aux ecolles des filles du present lieu supplie la communaute de vouloir luy accorder la même grace quelle adeja accordé au regent et de vouloir la décharger de ces deux dixième ses gages estant insufisant pour sa nourriturre […]

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Les salaires

Il est difficile de savoir si ces gages étaient suffisants pour vivre mais on peut penser que nos consuls n’étaient pas très larges pour accorder des augmentations. Cela se vérifie si l’on compare la stagnation du salaire avec l’inflation du prix de la livre de mouton :

  • salaire du regent en 1702 : 162 livres
  • salaire du regent en 1702 : 162 livres
  • la livre de mouton en 1702 : 3 sols
  • la livre de mouton en 1792 : 7 sols

Pour compenser ce faible salaire, les sérignanais avaient créé un usage qu’en 1792 Jean jacques AMAT maire nous apprends. Les familles étaient chargées, à tour de rôle, de nourrir le régent (et la régente) pendant une semaine :

Mr le maire a dit que par un usage aussi ancien qu’abusif le régent des écoles publiques de la commune reçoit pour traitement annuel une somme de 162 livres qui est imposé en sa faveur sur le rôle des dépenses locales et est nourri en outre à tour de rôle pendant huitaine par les parents des enfants qui vont à l’école. […] Bousquet régent s’est plaint à la municipalité que souvent (baloté ?) par les citoyens qui sont obligés de le nourrir il se trouve à la porte et obligé de […] à sa subsistance au moyen de son honoraire de cent soixante deux livres qui lui sont payées en assignats[…]

A.D 34 / délibérations consulaires de Sérignan; 112 PUB 28 photo 65

Le sieur AMAT estime que beaucoup de sérignanais ayant juste assez pour eux n’ont pas les moyens de nourrir en plus le régent. Que ce dernier risquant de faire défaut et l’instruction étant chose importante il conviendrait de remédier à ce problème en lui versant un salaire décent.

Il est décidé :

à l’unanimité des voix qu’il sera imposé jusqu’à nouvel ordre en faveur du regent des écoles de la commune un traitement annuel de la somme de six cent cinquante livres au moyen de laquelle il sera obligé de se nourrir et de s’entretenir sans pouvoir sous quelque pretexte que ce puisse être rien pétendre directement ny indirectement à raison de ses services d’aucun citoyen […] sera tenu de s’abstenir de toutes fonctions qui pourraient le distraire des soins qu’il doit apporter a ses ecoliers […]

A.D 34 / délibérations consulaires de Sérignan; 112 PUB 28 photo 65

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La fin des régents/régentes rémunérés par la communauté

Avec la loi Lakanal du 27 brumaire an III (17 octobre 1794), la révolution va mettre fin aux soucis municipaux de la gestion des régents.

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Les locaux

Restera aux communes la gestion des locaux.

Souvent, au cours des années, les assemblées générales ont eu à délibérer sur des réparations à faire aux écoles , mais jamais n’était mentionné leur emplacement. Même celle du 12 décembre 1736 qui décide d’acheter une maison aux frères Figeac pour servir en même temps de caserne, d’écoles et de logement aux régents n’en précise le lieu.

Il faut aller chercher dans le compoix de 1776 pour avoir les éléments utiles à sa localisation :

AD 34 compoix de Sérignan 592/1 photo 130

Une maison servant de cazernes et escolle dans le lieu confronte de terral la rue du four banier midy autre rue grec Gabriel Lamouroux dudit marin et de grec le sieur Jean Gautie dudit grec encore le plan du four et la petite partie dudit grec et du arin aussy la Confrerie notr seigneur. Contient en tous soixante seize cannes troix pans fait quatre livres trois sols quatre deniers.

Sur le cadastre de Sérignan an XI – 1975 on peur voir la rue du plan du four qui étant de grec permet de déduire que la parcelle 382 faisait partie de l’ensemble casernes-écoles. De midy autre rue donc les parcelles 384 et peut être 385 en faisaient partie.

La surface 76 cannes trois pans soit environ 391 à 392 m² permet de définir environ la zone en rouge sur un plan actuel.


Depuis les écoles d’antan voisinant les casernes jusqu’aux écoles maternelles, primaires, au collége et au lycée d’aujourd’hui le chemin a été long.

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