Les bacs

Les terres agricoles de la paroisse de Sérignan sont situées de part et d’autre de l’Orb. Il fallait bien que d’une façon ou d’une autre les ouvriers agricoles mais aussi les villageois d’alentours allant vers le port de Vendres (ou l’inverse) traversent ce fleuve, cette rivière comme on dit à Sérignan.

Autrefois, il y avait un pont. Qui l’avait construit ? Nul ne le sait. Peut être les romains car selon Monique Clavel (Professeur d’histoire ancienne à l’université de Besançon ) une voie romaine secondaire venant de Ponserme, se dirigeant vers Agde passait par Sérignan où elle traversait l’Orb. On peut imaginer qu’ils y avaient construit un pont. Peut être que les fondations de piles que l’on peut voir entre le pont rouge et la passerelle en sont des vestiges.

Dans une étude sur Sérignan, l’abbé Tarniquet curé de la paroisse fin XIXème siècle nous dit que sur ces piles avait été construit un pont de bois qui fut détruit vers les années 1377 – 1392 par une terrible inondation comme il en arrive au moins une par siècle.

Une solution provisoire existait: le gué. Il se trouvait à hauteur du vieux pont disparu.Il servira l’été pendant de nombreuses années. Si sa traversée ne posait pas problème en été, impossible d’aller de l’autre côté lorsque les eaux montaient.

Aussi, les consuls(voir note 1) de Sérignan Jacques Pibres, Jacques Sartone et Pierre Fabre appelèrent le procureur royal de Béziers et son substitut pour étudier le moyen de faciliter le passage de la population laborieuse sur la rive gauche.

Il fut décidé sans doute faute de moyens financiers de ne pas reconstruire le pont et de faire construire un barque (une délibération du conseil municipal du 20 octobre 1823 nous apprends que, par contrat dressé le 22 mars 1391 la communauté a acquis le droit sur le bac pour la somme importante pour l’époque de 100 livresvoir note 2).

La communauté décida donc de faire construire deux barques, une grande pour le passage des charrettes et des animaux et une petite pour les personnes.

Plan cadastral napoléonien montrant l’emplacement des bacs.

Pour son entretien et son fonctionnement, un contrat était passé pour plusieurs années contre rétribution versée annuellement. Par exemple en 1729 est passé un contrat pour une durée de 9 ans moyennant 105 livres par an pour la grande barque, 54 livres pour la petite.

Les sérignanais avaient la gratuité du passage. Par coutume, ils donnaient au moment des moissons, en fonction de leurs biens, du blé en gerbe ou en grains. A noël le batelier avait droit de recevoir de la part de ceux qui n’avaient pu donner quelque chose une étrenne dite ” la colombe”.

Suite à la grande misère de 1738(voir note 3), plus personne ne peut donner. Le batelier abandonne son poste. La communauté décide donc de le payer 120 livres par an avec interdiction de recevoir quoique ce soit sous peine d’être condamné à rembourser le double de ce qu’il a reçu. Cette somme serait alors donnée aux pauvres.

Les barques seront abandonnées avec la mise en circulation du pont suspendu en 1851.


Note 1: Les “consuls” sont, dans le sud de la France, les ancêtres des maires. Généralement au nombre de trois (Sérignan en avait plutôt quatre), élus parmi les “conseillers” issus des grandes familles bourgeoises, ils avaient pour mission la sécurité de la ville, sa salubrité et régler la vie économique (source: Wikipedia – Histoire des maires en France).

Note 2: source : archives en ligne de l’Hérault, page 67 du document “Délibérations communales. Entre le 15 février 1818 et le 02 mai 1830”. Cliquez ici pour voir le document en ligne.

Note 3: en 1738 et 1739, les mauvaises récoltes, les pluies torrentielles et l’action de spéculateurs ont pour conséquence des famines dans toute le royaume de France. De nombreux soulèvements populaires ont lieu.

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