Le Casserot

Le Casserot est l’espace situé entre le virage de l’Avenue de Béziers (côté boulevard Victor Hugo) et la berge de l’Orb. Lieu de vie tout au long de l’histoire de Sérignan, nous allons vous raconter ses origines, ses diverses utilisations et ses évolutions.

Le plan cadastral napoléonien (photo 1a) laisse penser que des bateaux accostaient ici, à proximité des anciennes murailles de la ville, car venant de la mer, ils ne pouvaient aller plus loin que Sérignan par manque de profondeur, le gué se trouvant juste au dessus (à quelques dizaines de mètres du pont rouge).

Photo 1a : cadastre napoléonien montrant l’élargissement de l’Orb au niveau du Casserot.

En effet, l’élargissement local de la rivière visible sur le cadastre pouvait permettre les manœuvres des barques de mer, les catalanes. De vieilles pierres attestent de l’existence de ce port en bordure de rivière (photo 1b).

Photo 1b : anciennes pierres à usage portuaire.

D’ailleurs, avant la dernière guerre, le pêcheur Étienne Nègre y amarrait encore ses 2 barques, l’une qui servait à traîner et tendre les filets, l’autre équipée de la grande nasse pour capturer les anguilles.

Ce même plan montre les fossés, vestiges des protections fortifiées du carré central du village. Ils servaient aussi à récupérer et évacuer les eaux de pluie ainsi que les égouts, vers la rivière… vers le Casserot!

Pourquoi vers là? Car les pentes naturelles favorisaient l’écoulement.

Les fossés furent comblés quelques années plus tard, avant 1860 (année de création de la Promenade), remplacés par le réseau en pierres de taille, qui sert encore aujourd’hui… mais seulement aux eaux pluviales!

Le Casserot était (photo 2a) et reste aussi, le terminal des eaux récupérées dans la partie sud du village (église/cimetière). On aperçoit sur cette photo le mur qui servait de barrage, équipé d’un clapet anti-retour que l’on fermait à chaque alerte de crue.

Photo 2a : l’ancien terminal de récupération des eaux.

Mais avant 1978, le tunnel (photo 2b) qui se trouve sous la rue des Salaverts et le chemin de l’Airoule voir note 1 n’existait pas. Un grand ruisseau profond, coulant depuis la rue de l’égalité vers le Casserot, cimenté en 1952, passait sous un pont de la rue du 11 novembre.

Photo 2b : l’extrémité du réseau sud/ouest du carré central (promenade et Bld Voltaire). Ce terminal se jetait derrière le mur du Casserot à l’extrémité du ruisseau du pontil.

On l’appelait « le ruisseau du pontil ». Lors des grandes crues, à l’origine, son rôle premier était de permettre de profiter des eaux limoneuses remontant du Casserot pour arroser les vignes situées sur la rive droite.

L’inondation de novembre 1953 reste dans les mémoires des anciens Sérignanais. Ils ont navigué en barque dans les rues, ils se s’ont protégé, ils ont surveillé le niveau des eaux pendant une semaine, jour et nuit…au Casserot !

Car c’est là que la règle du niveau de la rivière était installée voir note 2 pour permettre à tous de suivre l’évolution de cette montée exceptionnelle puisque classée « centennale ».

L’ambiance était spéciale, 24h sur 24. On y rencontrait tous les habitants, même ceux qui d’ordinaire sortaient peu. Ils étaient équipés d’imperméables, de bottes et de lampe-torche. Le marchant de matériaux restait ouvert pour permettre l’achat de planches et de plâtre afin d’installer des batardeaux à chaque porte et à toute heure. Un peu d’anxiété régnait dans la nuit, mais ces épisodes cassaient la routine du village paisible en créant ces mouvements inhabituels.

Au delà de ces rendez-vous, le Casserot est devenue peu à peu un lieu de vie intense.

Dans la seconde partie du XIX ème siècle des textes évoquent le nom « Casserot ».

En occitan, « Casse » signifie « chêne » et « rot », « rompu ». On ne peut encore l’affirmer, mais « le chêne rompu » peut raisonnablement laisser penser qu’un bel arbre de ce type se trouvait à la place de notre majestueux platane. Celui-ci fut planté il y a une centaine d’années, par Jean Alengry, courtier en vin, en bordure de la vigne qui poussait là, entre jardins et propriété Cabrillac (info Néné Bort).

Une animation journalière, très matinale, qui a précédé la pose du tout-à-l’égout vers 1960, était la vidange des toilettes familiales.

Jusqu’en 1936, les femmes lavaient le linge à la rivière (en amont de cette zone, bien sûr!). Le « luxe » de l’époque fût de les doter d’une installation municipale: le lavoir (photo 3). Outre le côté pratique que procuraient les 30 bassins (photo 4), ces dames se retrouvaient côte à côte pour bavarder confortablement. Puis, les lessiveuses et les machines à laver personnelles ont pris le relais, peut-être au détriment de la convivialité.

Photo 3 : façade principale du lavoir.
Photo 4: les 30 bassins du lavoir.

Après la guerre, l’animation s’est accélérée.

La photo 5 fait apparaître la roulotte d’une famille de forains, propriétaire d’un magnifique carrousel: grands-parents, filles et enfants ont vécu là pendant 26 ans. Elle nous rappelle Odette Sango, la fille de la maison, en 1946, poussant William dans son landau. Ses parents avaient stoppé le manège au début de la guerre.

Photo 5 : la famille Sango, vivant dans une roulotte au Casserot.

La photo 6, datant du début des années 60, montre la partie de pétanque et le moment important de la mesure du point par Jean Pagnotta (adjoint du maire Castagné).

Photo 6 : partie de pétanque au Casserot.

On reconnaît aussi Etienne Bofi, Albert Hérail (élu de Castagné), Roger Marco, Dominique Sirri, André Sigé (Président de la cave coopérative de 67 à 91) et Aimé Rigaud (sur le banc du lavoir). On a vu également les attractions des casseroles et des balançoires y faire la joie des grands et des petits.

Pendant les fêtes de fin d’année, à la même époque, avant qu’il ne se déplace sur la Promenade puis au parking du stade, le manège Fabre des autos-tamponneuses s’installait régulièrement là, à proximité du centre, entre ruisseau et lavoir.

En 1983, sous la municipalité Castagné, le bâtiment de la MJC remplaça le lavoir devenu obsolète (Photo 7). Il fut détruit à son tour pour permettre la construction du grand ensemble passerelle/parking/parvis, unanimement reconnu splendide et utile pour faciliter l’entrée vers le cœur de ville.

Photo 7 : l’ancienne MJC.

En 2015 commencèrent les travaux de construction d’aménagement du virage, du parvis et de la passerelle. Le parvis cache depuis une véritable usine de gestion des crues et de rejet des eaux de pluie du village et du quartier de l’égalité (voir photo 8)

Photo 8: équipement de gestion des crues, au entre le réservoir terminal du réseau de la promenade. En bas à droite, le tunnel en tôle des rues Salabert/Airoules.

Depuis, l’inauguration a eu lieu et tout le monde peut apprécier cet endroit qui accompagne la passerelle pour le siècle à venir.


Notes :
1 : Airoule = parc où les moutons passaient la nuit après le pacage
2 : Une nouvelle règle sera installée à cet endroit, pour perpétuer la tradition

Remerciements à l’intarissable Néné Bort doté d’une mémoire infaillible. Merci aussi R. Dalmau et William Sango.